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Connaissance des Arts

par Marie Maertens, 05.2021

L’origine du monde de Jean‑Baptiste Née
Les aquarelles, gouaches et huiles de Jean‑Baptiste Née sont montrées pour la première fois en solo show à Paris, à la galerie Camera Obscura.

Au premier regard, ses œuvres transportent le spectateur dans les hauteurs des montagnes et des vallées. Pourtant, très vite, Jean‑Baptiste Née précise qu’il ne « cherche pas à [le] bercer dans une randonnée visuelle, mais à trouver une sensation intérieure éprouvée au contact du paysage, et à la faire partager ». De jour ou de nuit, dans le Vercors, en Suisse, en Chine ou au Japon, il observe et relate les modifications des nuages, le passage de la lumière, ou subit de rigoureuses intempéries qui activent sa gestualité. Ses couleurs s’étirent dans des gris bleutés, teintés de vert, de pourpre ou allant jusqu’aux noirs, et accueillent les traces de la pluie ou de la neige qui s’abat. Les grands formats sur papier ou les toiles sur châssis se succèdent, travaillés à la manière d’un rituel ou d’une performance. Parfois, une brume camoufle une montagne préalablement esquissée, qu’il reconstitue par le souvenir de son émotion. « La perception n’est jamais uniquement de l’ordre du visuel », insiste‑t‑il. Bien entendu, sa démarche évoque l’histoire du paysage et il peut citer J.M. William Turner, Paul Cézanne ou le Land Art, mais se passionne bien davantage pour la philosophie ou l’usage des mots. Jean‑Baptiste Née parle de phénoménologie – « Je peins devant ce que je vois » – et s’interroge sur les lois du cosmos et les conditionnements sociaux, dans la lignée de Spinoza. Il revendique une position d’humilité face à la nature, invoquant le mot latin humilitas, dérivé de « humus », qui signifie la terre, et rappelle son admiration pour la pensée taoïste. Néanmoins, il est un autre élément qui lui permet d’éprouver l’origine du monde, sans jamais le représenter : le règne animal, qu’il ne se lasse pas d’observer... quand il détourne le regard des cimes.



La Tribune de Genève

par Irène Languin, 01.2019

Jean‑Baptiste Née dévoile les mystères simples et profonds de la montagne
À Carouge, la galerie LigneTreize expose les paysages sensibles du jeune peintre français.

Une opération de connexion au monde. Voilà comment Jean‑Baptiste Née conçoit l’observation de la nature, dont il a fait le socle de sa pratique artistique. Fasciné par la montagne et ses lois, le jeune peintre français y pratique régulièrement des résidences solitaires. Là‑haut, il s’imprègne de paysages puissants, ausculte au pinceau les formes et les couleurs qui fondent le discours mystérieux des crêtes et du ciel au crépuscule. La galerie carougeoise LigneTreize consacre actuellement ses murs aux délicates visions alpestres de cet artiste né en 1986.

La grande majorité des œuvres présentées a été réalisée l’été dernier à Verbier, tantôt à la gouache, tantôt à l’aquarelle ou à l’huile, mais toujours in situ. « On me prête un chalet en bordure supérieure du village, où je choisis de vivre un mois le plus isolé possible, sans interaction sociale », explique Jean‑Baptiste Née, par ailleurs parfaitement citadin – il demeure le reste de l’année à Montreuil, près de Paris. Durant ces semaines de vie simple, dans une solitude méditative, le motif vient habiter son vide intérieur et les éléments envelopper son être. Des randonnées à haute altitude, effectuées avec un petit matériel de peinture, nourrissent également son « grenier à sensations ».


Nuit et nuages

Celui qui est aussi plasticien et scénographe apprécie particulièrement la tombée de la nuit, qui le plonge dans un état d’alerte physiologique : « À ce moment‑là, tout paraît évident, les formes baignent dans une grande simplicité et il y a une qualité très particulière de vibration ». Sa lampe frontale accompagne la transition vers l’obscurité, permettant d’éviter le faux pas de la couleur criarde. Ressortent de cet exercice de belles vallées à la fois intimes et profondes, dont les contours se nappent de brumes légères. Car les nuages jouent un rôle central dans les compositions, leurs écheveaux cotonneux œuvrant à contrer l’imposante verticalité des parois rocailleuses. « Le brouillard me pousse dans mes retranchements, sourit le peintre. Son évanescence me force à comprendre que les choses m’échappent. »

Aucune narration ne vient ponctuer les panoramas. Point d’humain ou d’animal pour suggérer une échelle, une histoire. La nature dans son expression la plus limpide règne seule sur le papier. Parfois, elle s’invite à même le dessin, lorsqu’il pleut sur la gouache par exemple. « Au fond, c’est le rapport au monde réel qui m’intéresse. La nature sera toujours plus étonnante que ce que mon imagination ne pourra jamais produire. »


Les affiches de Grenoble

par Jean‑Louis Roux, 08.2019

Non pas devant, mais dedans

Il nous donne à voir ce qui nous empêche de voir : la brume, le brouillard, les nuées. Et la neige qui tournoie, lorsque le vent la soulève. Et la lumière qui vient à manquer, à s’éteindre presque, lorsque les nébulosités se tassent contre la paroi raide de la montagne... Jean‑Baptiste Née peint sur le motif, en immersion, enveloppé par les nappes de la nue. Une photographie le montre assis dans la neige, assailli par les flocons, en train de poursuivre son labeur de peintre. Cette photographie ne démontre rien bien entendu, bien entendu, sinon qu’« il y était ». On peut y avoir été et n’avoir rien vu, comme on peut a contrario être un formidable voyageur en chambre. Cette photographie prouve, du moins, la rigueur extrême des éléments dans lesquels Jean‑Baptiste Née opère, mais la volatilité de ces éléments et la difficulter de les capter. Ce sont ces éléments qui mobilisent son attention, ainsi que l’indique le titre de ses œuvres : Vercors, hiver, paroi, vent ; ou bien Vercors, hiver, jour blanc, couchant...

À la gouache ou à l’aquarelle, dans un noir et blanc rigoureux (c’est en noir et blanc, et pourtant aucune couleur ne manque...), Jean-Baptiste Née arrive à rendre paradoxalement les contraires : le rugueux et le nébuleux, le tangible et l’évanescent. Dans les montagnes de Chine comme sur les hauts plateaux du Vercors, il peint ce moment d’entre‑deux où le brouillard semble prendre corps et où le corps des pierres semble perdre toute consistance. Émule d’Alexandre Hollan dont il est un proche tant par l’amitié que par la quête esthétique, l’artiste cherche à témoigner en une image unique (donc inerte), de l’impermanence des choses, la fugacité, la versatilité même. À quel moment la tache informe prendra-t-elle forme ? Et à quel moment, nous qui sommes devant, basculerons-nous dedans ?



Interview pour la Radio Télévision Suisse

par Marlène Métrailler, 01.2019



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